🤔 Bébé & immunité : entre microbes, lait maternel et jouets baveux… Isabella, tu nous éclaires ?

Rencontre avec  Isabella Eckerle : docteur en médecine et clinicienne en virologie, avec un certificat de spécialiste en microbiologie, virologie et épidémiologie des maladies infectieuses. Elle est professeure et, directrice du Centre genevois des maladies virales émergentes qui est une institution conjointe des HUG et de l’Unige et elle dirige son propre groupe de recherche « virus émergents ».

☂️Tu es virologue, maman, et on s’est connues dans les couches. Ton regard scientifique est précieux pour démêler le vrai du faux sur l’immunité des tout-petits. Alors j’ai rassemblé quelques questions que beaucoup de parents, de nounous et moi-même nous posons souvent…

🍼 On commence par le classique : l’allaitement.

☂️On dit partout que ça renforce l’immunité des bébés. Qu’est-ce qu’il y a vraiment dans le lait maternel qui protège ? Des anticorps, des nutriments, des petites molécules magiques ?

Tout cela ! Le lait maternel est parfaitement adapté aux besoins du bébé à chaque étape de son développement. Il contient également des anticorps, des cellules immunitaires et des enzymes qui aident à protéger le bébé contre les infections. Les enfants allaités sont probablement mieux protégés contre les infections. Mais il présente également des avantages pour la mère : l’allaitement est par exemple associé à une réduction du risque de cancer du sein. Il faut toutefois préciser que les enfants nourris au lait infantile sont également bien nourris et qu’il ne faut pas culpabiliser les mères qui ne peuvent ou ne veulent pas allaiter. 

 💉 Les vaccins, parlons-en sans tabou.

☂️Pourquoi est-ce si important de respecter le calendrier vaccinal ? Et qu’est-ce qui se passe dans le corps du bébé quand il reçoit ses doses ?

1ere question :

Les vaccinations infantiles protègent contre toute une série de maladies qui peuvent être mortelles ou entraîner des complications graves, voire avoir des séquelles plus tard dans la vie. Malheureusement, nous avons oublié à quel point certaines maladies peuvent être terribles : la polio a disparu depuis longtemps chez nous, mais lors de mes voyages professionnels en Afrique, j’ai vu des personnes relativement jeunes avec une jambe atrophiée à cause de la polio. La rubéole, le tétanos, la diphtérie – pour cette dernière, on utilise en allemand l’expression (horrible) « l’ange strangulateur des enfants», car elle provoque une suffocation atroce – ne sont plus connues des médecins que dans les livres scolaires. C’est la vaccination qui a permis de faire disparaître cette terrible infection et qui a sauvé la vie de nombreux enfants. 

La rougeole est malheureusement en train de refaire son apparition et provoque régulièrement des épidémies localisées. Les enfants de moins d’un an sont particulièrement vulnérables (la vaccination n’est généralement effectuée qu’à partir d’un an), mais ce sont eux qui sont les plus touchés par les complications. En bref, les vaccinations infantiles ont considérablement réduit la mortalité infantile et le scepticisme croissant à l’égard des vaccins est très préoccupant pour moi en tant que scientifique.

 

2eme question :

Le vaccin ne contient généralement qu’une petite partie d’un agent pathogène, un agent pathogène mort ou fortement attenué. Ces agents pathogènes ne peuvent donc généralement plus déclencher la maladie, mais ils fournissent néanmoins suffisamment d’informations au système immunitaire pour qu’il produise des anticorps. Si l’enfant entre ensuite en contact avec le véritable agent pathogène, son système immunitaire est immédiatement prêt à le combattre. On peut comparer cela à un avis de recherche pour la police : dès que le criminel peut être identifié, il peut être arrêté.

 

🦠 Et les microbes dans tout ça ?

☂️Est-ce que l’exposition aux microbes dès le plus jeune âge, c’est utile ou risqué ? Trop propre, trop sale… comment trouver le juste milieu ?

Il faut faire la distinction entre les agents pathogènes humains et les germes environnementaux, c’est-à-dire les bactéries tout à fait normales que l’on trouve partout. Personne n’a besoin de nettoyer sa maison avec des désinfectants, ni d’utiliser des sacs poubelles ou des lessives antibactériens : il est tout à fait normal et sain d’être en contact permanent avec des bactéries. Il est même probable que le contact avec les germes environnementaux, par exemple ceux présents dans la terre ou chez les animaux, ait un effet positif sur le système immunitaire et prévienne les allergies. Il ne s’agit toutefois pas de germes pathogènes pour l’homme, ce qui est souvent source de confusion.

Dans le cas des agents pathogènes humains, cela dépend, mais on peut dire en principe que les enfants de moins d’un an sont souvent beaucoup plus vulnérables lorsqu’ils tombent malades. Le VRS, par exemple, peut s’accompagner d’une bronchite grave et d’une bronchiolite (c’est-à-dire une inflammation des très petites voies respiratoires), tandis que les enfants plus âgés tombent également malades, mais doivent beaucoup moins souvent être hospitalisés. La grippe, c’est-à-dire la véritable influenza, peut également être dangereuse pour les jeunes enfants.

 

🏡 Crèche vs maison ?

☂️Les bébés en crèche attrapent tout ce qui passe… Mais est-ce que ça leur donne un système immunitaire plus costaud sur le long terme que ceux gardés à la maison ?

Les données scientifiques sont malheureusement très hétérogènes à ce sujet : il est clair que les enfants qui fréquentent la crèche ont plus d’infections simplement parce qu’ils sont plus en contact avec d’autres enfants malades. Certaines études montrent un risque accru d’asthme lorsque les enfants vont à la crèche plus tôt, d’autres études suggèrent un effet protecteur des infections précoces contre un certain type de leucémie. Ce n’est donc pas aussi simple que «beaucoup d’infections = bon système immunitaire », mais cela dépend de l’agent pathogène, de l’âge, du résultat auquel on pense réellement… Je pense qu’il n’est pas possible de donner une réponse claire à cette question.

D’après ma propre expérience, je peux dire qu’avec une nounou à la maison, les premières années sont plus faciles, car les enfants (et le reste de la famille…) sont moins souvent malades, et quand les enfants sont un peu plus grands, c’est un peu plus facile quand ils sont malades (ils savent déjà se moucher ou faire des inhalations). 

Ce qui est également clair, c’est qu’il est impossible de protéger complètement son enfant contre les infections. Tôt ou tard, chaque enfant sera exposé à des agents pathogènes, et il n’existe aucun vaccin contre de nombreux agents pathogènes, comme les nombreux virus responsables du rhume ou la maladie pied-main-bouche. C’est normal et cela fait partie de la vie.

Mais il faut bien sûr respecter certaines règles d’hygiène élémentaires : se laver les mains quand on rentre à la maison, avant de manger, après avoir été en contact avec de la saleté à l’extérieur ou après avoir caressé des animaux.

🐾 Vivre avec un chien = bonus immunité ?

☂️J’ai vu des enfants se rouler par terre avec leur chien pendant des heures. Entre les parents qui trouvent ça cracra et ceux qui pensent qu’au contraire c’est bon pour l’immunité je n’ai jamais trop su ou me positionner, j’avoue ! Tu penses que grandir avec des animaux aide à développer l’immunité, ou pas du tout ? Et pour les allergies, ça change quelque chose ?

Tout d’abord, chaque chien vivant dans un foyer doit être vacciné, vermifugé et suivi par un vétérinaire afin d’exclure toute maladie dangereuse pour l’homme. Il existe en effet plusieurs études qui établissent un lien entre les chiens ou les animaux domestiques en général et une diminution du risque d’allergies !

Dans tous les cas, les animaux domestiques sont merveilleux pour les enfants, et si l’animal suscite la joie et le rire, c’est également bon pour le système immunitaire !

🧸 Les jouets partagés… et léchés…oh beurck !

☂️Tu sais, ces moments où ton enfant a ses premiers copains qui viennent à la maison et que tous finissent par mâchouiller le même jouet. C’est dégoûtant LOL: mais est-ce que c’est grave ? Est-ce que ça joue sur l’immunité le fait d’être très sociabilisé ?

Comme à la crèche, le contact avec d’autres enfants signifie également le contact avec des agents pathogènes. Les jeunes enfants découvrent leur environnement avec leur bouche et ne se satisfont pas de regarder les jouets, ils veulent aussi les mâchouiller. Il existe bien sûr des agents pathogènes qui se transmettent par la bouche, mais comme je l’ai dit, on ne peut pas éviter toutes les infections et cela n’a pas de sens. En tant que jeune maman, je m’énervais toujours lorsque je prenais rendez-vous avec d’autres familles et que j’apprenais seulement alors qu’un des enfants avait de la fièvre ou une gastro. Il n’est pas nécessaire de s’infecter intentionnellement, et il est également courtois d’informer à l’avance les autres parents si un enfant est vraiment malade. Au moins, on peut alors décider soi-même si l’on veut se rencontrer ou non. De plus, on ne sait pas toujours tout sur ses camarades de jeu : peut-être qu’un enfant souffre d’une maladie chronique ou que ses parents sont atteints d’une maladie chronique. Dans ce cas, même des infections banales peuvent représenter un risque plus important.

🍊 L’alimentation comme bouclier ?

☂️Y a-t-il des vitamines ou nutriments clés pour soutenir le système immunitaire des petits ? Et tous ces sirops et gummies vendus en pharmacie pour “booster l’immunité”, c’est du marketing ou ça a une vraie efficacité ?

Non, cela ne profite qu’à une seule personne (le vendeur) et vide votre porte-monnaie. Les bébés et les enfants en bonne santé (ainsi que les adultes) qui ont une alimentation saine et variée, riche en fruits et légumes, n’ont pas besoin de « boosters immunitaires ». Notre système immunitaire est déjà une merveille en soi et il n’est pas nécessaire de faire quoi que ce soit pour l’améliorer si l’on est en bonne santé. Cela peut être différent pour les enfants atteints de maladies chroniques ou ayant des besoins alimentaires particuliers (par exemple, les vegans), mais dans ce cas, il faut consulter un pédiatre.

 👶 Et côté virus, c’est ton domaine !

☂️Est-ce que les bébés qu’on laisse jouer par terre ou qui lèchent les vitres du métro développent une meilleure immunité ? Moins sensibles aux petits virus du quotidien ?

Les lieux très fréquentés et les objets que beaucoup de gens touchent (poignées de porte, barres dans le métro, rampes d’escaliers roulants) sont également des endroits où l’on peut ramasser de nombreux agents pathogènes. Ce n’est certainement pas recommandé, et rien n’indique que cela renforce particulièrement l’immunité. 

 

😷 L’effet du stress sur le système immunitaire.

☂️Est-ce que le stress ; même chez les bébés ou les jeunes enfants , peut affaiblir leur immunité ? Je pense aux petits qui tombent tout le temps malade pendant leur première année d’école… changement de rythme, fatigue, émotions ?

Oui, le stress peut effectivement rendre plus vulnérable aux infections, cela est bien documenté. Le manque de sommeil, les émotions fortes, beaucoup d’agitation peuvent rendre plus vulnérable aux infections – certains d’entre nous connaissent cela avec l’herpès labial.

Au cours de la première année, c’est probablement simplement le contact fréquent avec d’autres enfants qui favorise la propagation des maladies. Il est difficile de déterminer avec précision le rôle joué par chaque facteur. De plus, de nombreux agents pathogènes (en particulier les virus) sont passés maîtres dans l’art de tromper notre système immunitaire, ce qui signifie que même avec un bon système immunitaire, on peut être infecté et tomber malade.

Cependant, même chez un enfant en bonne santé, environ 10 à 12 infections par an sont encore normales ! (Oui, très pénible pour les parents !)

💊 Et les antibiotiques, on en parle ?

☂️En France on aime les antibios…à tel point que l’état a créé un slogan pour freiner cet engouement : les antibiotiques ce n’est pas automatique !

Mais est-ce qu’en abuser peut empêcher le corps de se défendre seul contre les virus ? Comment ça affecte le système immunitaire dans les premières années ?

Tout d’abord, les antibiotiques sont inefficaces contre les virus, ils agissent uniquement contre les bactéries (et seulement si l’on utilise le médicament adapté à la bactérie en question). Les infections virales banales ne doivent jamais être traitées avec des antibiotiques, et toutes les infections bactériennes ne doivent pas nécessairement être traitées immédiatement avec des antibiotiques. Au cours des dernières années, on est devenu de plus en plus prudent à ce sujet, notamment en raison de la résistance des bactéries aux antibiotiques, mais aussi parce que la prise d’antibiotiques nuit également aux bonnes bactéries, par exemple dans l’intestin. Certaines infections doivent toutefois être traitées par antibiotiques, par exemple une pneumonie bactérienne. Dans tous les cas, les antibiotiques ne doivent être prescrits que par un pédiatre. Il est également important de respecter la dose et la durée du traitement prescrites.

Isabella Eckerle : https://www.unige.ch/medecine/demed/recherche/isabella-eckerle

Carine Decroix : (2) Carine Decroix | LinkedIn 

My Paris Poppins chercheuse de Mary Poppins dans toute la France :Chercheuse de Mary Poppins . Cabinet de recrutement

Carine Decroix Consultante en parentalité : Coaching Parental • My Paris Poppins •

 

 

 

 

 

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